‍Claude Guéant : “Les Allemands exercent en Afrique un soft power tout à fait inattendu”‍

Claude Guéant est un homme politique comme l’on n’en rencontre plus. Cet ancien ministre de l'Intérieur et ex-secrétaire général de la présidence de la République trouve le mot juste à chacune de ses phrases, ses idées sont toujours très claires et sa pensée est à la fois tournée vers le passé et axée en direction de l’avenir. Il était l’invité de Tom Benoit pour un nouveau long format de Géostratégie magazine à retrouver en intégralité sur notre chaîne YouTube. Claude Guéant y aborde la situation économique de la France, la configuration monétaire de l’Afrique, la dette publique… Quelques extraits choisis de l’entretien sont à lire ci-dessous.

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Nouvelle-Calédonie

Bonjour Claude Guéant, je suis ravi de vous recevoir pour cet entretien Géostratégie magazine. Vous avez été ministre de l'Intérieur, secrétaire général de l'Élysée, et aujourd'hui, vous êtes…

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Tout simplement retraité (sourire). Toujours attentif à la chose publique.

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Et aux relations internationales qui font des gorges chaudes dans les médias. En ce moment particulièrement en Nouvelle-Calédonie. Comment voyez-vous la situation ?

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J'espère qu’elle tournera bien. Je pense que le président de la République a eu raison d'appeler au dialogue, mais je pense que la situation est extrêmement difficile. Si j’ai des espoirs, je pense que trouver des solutions va demander du temps. Le fossé s’est élargi de façon considérable entre les différentes parties. Tout cela va laisser des traces, il va y avoir du ressentiment. Les suites judiciaires vont rendre plus difficile le dialogue. Puis, alors que les accords de Matignon étaient marqués par la présence sur le théâtre calédonien de personnalités très fortes, charismatiques… ; aujourd'hui, qui représente qui en Nouvelle-Calédonie…?

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Et est-ce qu'Emmanuel Macron a tenté de représenter la France sur place en se rendant, d’une façon, quelque peu hâtive en Nouvelle-Calédonie ?

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Je pense qu’il a eu raison. On peut toujours critiquer. Souvenons-nous que François Mitterrand s’y était rendu aussi. Il avait fallu quatre ans pour arriver aux accords de Matignon. Ça donne un peu la dimension du sujet.

Aujourd'hui, les indépendantistes sont partagés entre plusieurs partis, et au sein même des partis indépendantistes il y a des désaccords. Par ailleurs, nous avons une donne, une donnée devrais-je dire plus précisément, qui est celle de la motivation des émeutiers. Ils se réclament de l’identité kanake, de la fierté de leur peuple, de leur tradition…

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Est-ce que ce territoire est véritablement français ?

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Il y a un peuple kanak qui a une culture particulière qui a été reconnue d’une façon extrêmement forte par les accords de Nouméa. 

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Je veux dire par là que les autochtones ne ressemblent pas beaucoup à des Français….

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C’est une culture kanake. C’est exact. Ce qui aggrave beaucoup les choses est que tous ces jeunes qui sont en train de “gâcher” n'appartiennent plus à la culture kanake. Ce sont des gens qui vivent en ville, or la culture kanake s’exprime principalement dans les milieux ruraux.

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Quelle est la légitimité de la France pour imposer sa capacité de domination en Nouvelle-Calédonie, sur un territoire aussi lointain ?

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La légitimité de la France, c’est qu’elle est chez elle.

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Comme elle l’était en Algérie par exemple ?

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Dans une situation extrêmement différente. En Algérie, il y avait un rapport démographique entre les populations européennes et les populations locales qui était très à l'avantage des populations locales. En Nouvelle-Calédonie, le rapport démographique, c’est à peu près 40 % de Kanakes, 30 % d'Européens, et puis le reste des Tahitiens…

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Afrique

Nous avons perdu beaucoup de puissance en Afrique. À cause de quoi ? Et que peut-il se produire durant les mois qui arrivent ?

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Oui. Sans être devins… Nous avons perdu effectivement beaucoup de puissance en Afrique. Il faut se rendre compte, à l'évidence, que l’Afrique a beaucoup changé. Notre relation avec l’Afrique a changé parce que nous ne sommes plus la seule référence.

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Il y a des Chinois sur place, il y a des Russes…

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Nous avons des exemples un peu caricaturaux si vous voulez. Notre armée a quitté le Mali où elle avait été appelée par le gouvernement en appui de ses interventions. Nous n'avons pas réussi à apaiser les rébellions. Pour plein de raisons. Les gouvernements successifs dans ce pays n’ont pas pris les mesures pour apaiser les populations.

Vous le disiez à l’instant, beaucoup de pays interviennent en Afrique. Il y a la Chine qui travaille régulièrement sur l’infrastructure. La Turquie intervient également sur beaucoup de…

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…La Turquie est très présente. Les Américains pourraient caresser l’idée de bancariser l’Afrique…

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Les Allemands exercent en Afrique un soft power tout à fait inattendu. Si bien que sur le plan culturel, ils sont très présents. J'étais en République démocratique du Congo (RDC), qui n’est pas une ancienne colonie française, mais francophone ; et je voyageais avec le directeur de l’Institut Goethe qui était là pour animer un centre culturel allemand. C’est du soft power qui compte. 

Sur le plan médical, il y a quelque chose qui me frappe beaucoup. Auparavant, les chefs d’État se faisaient tous soigner en France. Aujourd'hui, ils vont se faire soigner en Allemagne. Pourtant, notre médecine est bonne. Quelque chose s’est passé. Nous ne sommes plus la seule puissance.