La chute programmée du dollar

La stratégie de Trump est floue, mais les perdants sont déjà identifiés.

La chute programmée du dollar
Économie et Finance
Mar 11, 2025
Par 
Bill Bonner

Un autre jour. Un autre coup de massue. Et une nouvelle idée sur ce qui pourrait bien être l’investissement le plus stupide que vous puissiez faire. USA Today rapporte :

« Le président Donald Trump a imposé mercredi des droits de douane de 25% sur les automobiles importées, poursuivant une stratégie économique fulgurante qui a ébranlé les marchés et déclenché une guerre commerciale mondiale. M. Trump a détaillé les droits de douane – qui commenceront à 2,5% pour atteindre 25% sur toutes les voitures et camionnettes étrangères – devant les journalistes dans le Bureau ovale. »

Il est difficile de comprendre pourquoi les autorités fédérales voudraient rendre les automobiles plus chères. C’est impénétrable, irrationnel, incompréhensible. Mais pas inconcevable.

Trump croit aux droits de douane comme un boxeur croit à son crochet du droit : chaque combat se joue sur un coup, et il faut frapper pour gagner.

Il est prêt à affronter n’importe qui. Et désormais, l’Ontario – probablement le voisin le plus proche et le plus précieux des Etats-Unis – commence à lever le poing. Reuters explique :

« Le premier ministre de l’Ontario promet ‘d’infliger autant de douleur que possible’ aux Etats-Unis au sujet des droits de douane

Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a déclaré mercredi 26 mars qu’il entendait ‘infliger le plus de souffrance possible’ aux citoyens américains, alors que les Etats-Unis et le Canada sont engagés dans un conflit commercial portant sur les droits de douane. »

Mais puisque nous nous interrogeons sur ce qui pourrait bien être l’investissement le plus stupide que vous puissiez faire, penchons-nous sur les causes, et surtout les conséquences, d’une guerre commerciale.

La dernière fois que les Etats-Unis s’y sont essayés sérieusement, c’était sous l’impulsion des sénateurs Smoot et Hawley, et cela a mené le pays vers la Grande Dépression.

Cette fois, les choses seront peut-être différentes. M. Trump n’est pas un protectionniste traditionnel. C’est un bagarreur, pas un économiste. Ni un diplomate.

Il utilise les droits de douane comme un boxeur utilise ses poings. Pas comme un chef d’Etat, mais comme un homme de combat. Fortune rapporte :

« Trump avertit l’UE et le Canada de ne pas s’allier pour résister aux droits de douane – ils doivent encaisser les coups, sinon ce sera pire.

Le président met en garde : si l’Union européenne et le Canada unissent leurs forces pour riposter ou tenter de contourner les nouveaux tarifs, ils en paieront le prix. Le message est clair : ne contre-attaquez pas. Encaissez. Ou préparez-vous à des représailles plus dures.

Mercredi prochain sera le jour du bilan pour l’administration Trump et pour les économies du monde entier. Le ‘jour de la libération’, comme l’a appelé M. Trump, confirmera de nouvelles mesures tarifaires à l’encontre d’une série de pays. »

Le plus grand pays du monde mène ses affaires comme s’il s’agissait d’un combat en cage d’arts martiaux.

Y a-t-il une méthode dans cette folie ? Probablement pas. Mais admettons qu’il y en ait une.

Peut-être que le chaos est voulu. Peut-être que son objectif est de faire fuir les capitaux, pour faire chuter le dollar et rendre les exportations américaines plus compétitives.

Est-ce que cela tiendrait la route ? Peut-être. A long terme, un dollar plus faible pourrait effectivement doper les industries tournées vers l’export. Mais à court terme, le cocktail baisse du dollar + hausse des droits de douane pèserait lourdement sur la consommation intérieure.

MoneyTalksNews :

« Le pessimisme économique est à plus bas depuis 12 ans alors que les Américains se préparent à l’incertitude.

Le Conference Board signale une confiance des consommateurs passée sous le seuil d’alerte récession… pour le deuxième mois d’affilée. 15,5% des Américains anticipent une baisse de leurs revenus. Les prévisions d’inflation remontent à 6,2%. »

L’anxiété gagne du terrain.

Et avec la confiance qui s’effrite, il faut s’attendre à un coup de frein sur le PIB, à une hausse du chômage, et à une récession.

Un dollar plus faible compliquerait aussi le financement des 60 000 milliards de dollars de dettes que les Etats-Unis devront émettre ou refinancer au cours des 15 prochaines années.

Comment tout cela va-t-il finir ? Personne ne le sait. Mais une chose est certaine : si le dollar baisse, tout ce qui est libellé en dollars perdra aussi de sa valeur.

Et le plus gros actif en dollars des Etats-Unis est aussi son plus gros passif.

Peut-être que, quelque part dans l’entourage de Trump, un esprit un peu plus rusé que les autres croit pouvoir faire d’une pierre deux coups. (Ou trois.)

Un dollar affaibli – négocié dans les salons dorés de Mar-a-Lago – pourrait réduire les importations. Stimuler les exportations. Et puis, il pourrait éroder la valeur réelle de la dette américaine.

Bingo !

Une baisse de 20% du dollar réduirait le poids de la dette américaine d’environ 8 000 milliards de dollars. Une autre baisse de 20%, cette fois due à l’inflation, porterait « l’économie » réalisée à 16 000 milliards.

Il existe aussi un précédent pour ce genre de manipulation. L’accord du Plaza, en 1985, a été signé il y a 30 ans, en septembre prochain. A l’époque, comme aujourd’hui, le dollar était jugé trop fort. Les grandes puissances financières se sont réunies à l’hôtel Plaza, à New York, et ont décidé de le faire baisser.

Cela a fait flamber les prix des actifs japonais, et a provoqué la célèbre bulle de la Japan Inc. à la fin des années 1980, puis le krach japonais de 1990 a eu lieu, suivi d’un marché baissier qui a duré 35 ans.

Mais peu importe.

Si les autorités fédérales atteignent leur objectif – un dollar plus faible – les prix à la consommation grimperont. Les salariés perdront leur emploi (au moins à court terme). Les investisseurs perdront de l’argent en Bourse.

Mais les plus grands perdants seront probablement ceux qui détiennent des bons du Trésor américain.

D’une manière ou d’une autre – soit parce que l’absence de discipline budgétaire entraîne l’inflation, soit parce que les autorités cherchent délibérément à faire baisser le dollar – les bons du Trésor baisseront.

Dans les deux cas, ce qui semble probable, les bons du Trésor à 30 ans, qui rapportent aujourd’hui un maigre 4,68%, pourraient bien être l’investissement le plus stupide que vous puissiez faire.

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