Gaza ou le nouvel ordre mondial

Les superpuissances sont confrontées à une réalité complexe.

Gaza ou le nouvel ordre mondial
World
Jan 9, 2025
Par 
Roula Merhej

Les superpuissances qui ont façonné la géopolitique du XXe siècle notamment avec les Accords de Yalta en 1945 sont aujourd’hui confrontées à une réalité complexe sur le terrain. L’affaiblissement de l’Occident et des institutions internationales marque cette perte de repères encore plus exacerbée par l’arrivée de la nouvelle administration Trump. L’émancipation de la Maison Blanche faisant un pied de nez à la politique molle de Joe Biden, met au défi autant les alliés historiques des États-Unis que leurs ennemis. Un nouvel équilibre mondial émerge avec l’allégation de la puissance Américaine et une alliance avec Israël plus indéfectible que jamais.

Le temps des deux blocs Est-Ouest est bien révolu. Nous ne sommes plus dans cet affrontement du camp du bien (le capitalisme) et du camp du mal (le communisme). Au regard des soulèvements mondiaux, la nouvelle donne se traduit par une affirmation culturelle et identitaire sans précédent. Dans ce monde en mutation où le rejet d’une domination occidentale est de plus en plus prononcé, les anciens pays colonisés avec les pays émergeants refusent les ingérences étrangères en affichant une réelle volonté d’autonomie politique et une quête d’indépendance économique. La création du BRICS en 2006 en est l’illustration parfaite avec l’intégration des pays tels que l’Égypte, les Émirats Arabes Unis, l’Iran, l’Arabie saoudite et l’Éthiopie en 2023. Cette ambition de vouloir peser dans l’économie et la diplomatie mondiale en cherchant à construire un monde multipolaire reste cependant très peu influente dans le conflit au Moyen-Orient et quasi insignifiante face à la puissance Américaine.  

A l’instar des autres guerres, on trouve une résonnance biblique dans le conflit Israélo-palestinien qui déchaine les passions. La promesse de la Terre d’Israël faite à Abraham (Genèse 13 :14-15) « Lève les yeux et, de l’endroit où tu es, regarde vers le Nord et le Sud, vers l’est et l’ouest : tout le pays que tu vois, je te le donnerai à toi et à ta descendance, pour toujours » est le pilier central du judaïsme. Contrairement à la croyance Juive, dans la foi Musulmane cette terre sainte n’est pas un don inconditionnel, elle appartient à Dieu et seuls les justes et les croyants doivent en hériter.  Enfin, l’importance de cette terre pour les Chrétiens relève plus du lieu de vie et de crucifixion de Jésus que de la revendication territoriale. Terre sainte pour les uns ou Terre promise pour les autres, elle est le théâtre d’affrontements depuis des décennies, le seul conflit qui divise et attise autant de haine. Le seul conflit qui mobilise à l’étranger la sécurité intérieure d’un pays lors des manifestations en soutien aux palestiniens. Véritable déferlement médiatique le « All Eyes on Gaza » est la preuve de l’impact significatif à l’échelle internationale.

En occident, les manifestants ne sont plus Français, Américains, Anglais, Belges ou Italiens, ils sont Palestiniens allant même jusqu’à défier l’autorité de leur pays d’adoption. Communauté LGBTQ, mouvements féministes, écologistes et gauche caviar surfent sur cette tendance et l’exploite à des fins électorales : après « Je suis Charlie », ils sont tous devenus Palestiniens. Le Hamas appréciera. Les étudiants du monde se soulèvent, les vidéos et les images sur les réseaux sociaux affluent, Israël a perdu la guerre de l’image faisant oublier la raison pour laquelle elle s’en était allée au combat ; le pogrom du 7 octobre 2023. De la même façon qu’il y avait eu un avant et un après 11 septembre, le 7 octobre marque une rupture nette dans l’opinion publique mondiale et la politique occidentale en Orient. Israël se fait le porte-drapeau de la lutte contre l’obscurantisme et joue sa survie, « We will dance again » est une promesse de triomphe de la vie sur la mort.  

L’accord d’un cessez-le feu conclu le 15 janvier 2025 après plus de quinze mois de conflits ayant fait 64.260 morts sur la bande de Gaza (étude réalisée par The Lancet https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(24)02678-3/fulltext ) a versé beaucoup d’encre et a justement susciter l’indignation. Comment ne pas l’être face à autant de victimes et de drames ? Mais y’a-t-il déjà eu une guerre dans l’histoire qui s’est faite sans larmes ou injustice ? Quelles ont été les guerres « propres » ? Les pays arabes réalisent que la stabilité et leur prospérité économique passe par la Paix incontournable avec Israël, l’ennemi de toujours. Mis dans une situation embarrassante et ne voulant pas créer des conflits internes, ils se doivent d’afficher leur mécontentement quant à l’injustice du sort des civils Palestiniens. Ils condamnent mais refusent néanmoins de les accueillir. Les frontières restent fermées, l’opinion publique réprimée. L’Arabie Saoudite ne concrétisera pas d’accord avec Israël tant que la solution à deux états n’est pas faite ?…L’Égypte ne prendra pas de Palestiniens par peur de l'instabilité politique que cela pourrait engendrer. La Jordanie, elle, en équilibre fragile, ne tolérera aucun Palestinien. Réminiscence du septembre noir sous le Roi Hussein de Jordanie? L’histoire prouvera encore une fois que les dés ont été jetés dans les coulisses du pouvoir, que les beaux discours des droits de l’Homme et de la cause palestinienne resteront que façades, que la fameuse ligue arabe est une fois de plus, un échec cuisant.

La perte d’influence Iranienne laisse la place à un retour en force de l’Arabie saoudite, à l’installation du pouvoir militaire Turque pour l’équilibre régional mais surtout à des accords de paix avec Israël et les derniers pays récalcitrants. L’annexion du Golan « pour l’éternité » comme déclaré par Netanyahou, l’appropriation et la recolonisation de terres en Cisjordanie ou les fermes de Chebaa au Liban, pour l’instant encore sous contrôle Israélien, sont autant d’évènements qui révèlent l’esquisse de nouvelles frontières.  Force est de constater que pas grand nombre de pays peuvent faire le contre-poids dans l’alliance sacro-sainte Américano-Israélienne, plus encore depuis l’arrivée de l’administration Trump (Washington annonce une vente d’armes à Israël à hauteur de 7 milliards de dollars.) Cette nouvelle stratégie politique menée tambour battant va profiter à bons nombres de pays libérés du joug Iranien. Au-delà d’un possible nouveau Moyen-Orient, n’ayons pas peur de se perdre à rêver non pas d’une riviera à Gaza, mais de Paix. Pour que toutes les victimes israéliennes, palestiniennes, libanaises et syriennes ne soient pas mortes pour rien, car comme le disait Albert Camus, « La paix est le seul combat qui vaille la peine d’être mené. »

 

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