UK et USA : vers un rapprochement transatlantique au détriment de l’UE ?

Avec l’arrivée de Trump au pouvoir, une nouvelle dynamique transatlantique se dessine.

UK et USA : vers un rapprochement transatlantique au détriment de l’UE ?
Politique
Apr 22, 2025
Par 
Julien Chevalier

Avec l’arrivée de Trump au pouvoir, une nouvelle dynamique transatlantique se dessine. Le Royaume-Uni, affaibli mais pragmatique, pourrait tirer parti de ce retour américain en se rapprochant encore davantage de Washington.

La politique de Trump bouscule l’économie mondiale, mais surtout les alliances géopolitiques. Alors que le « vieux monde » se meurt, le président américain fait des choix stratégiques : parmi eux, un rapprochement avec le Royaume-Uni, qui risque d’affaiblir l’Europe et soutenir la domination américaine.  

Tout le monde sait à quel point les Etats-Unis et le Royaume-Uni sont liés. D’historiques partenaires, ils partagent une langue commune, des valeurs politiques similaires, et des liens économiques et militaires très forts. Ils sont de proches partenaires commerciaux, également dans les renseignements (à travers l’OTAN, certes, mais aussi le réseau anglo-saxon des Five Eyes), et conservent des partenariats institutionnels importants – en matière commerciale, diplomatique, géopolitique…

Cette alliance se concrétise donc dans leurs décisions politiques. On l’a encore vu récemment avec l’annonce des tarifs douaniers. Le Royaume-Uni a fait figure d’exception : le président américain a décidé d’y appliquer une taxe de 10 %, tandis qu’au même moment, il sanctionnait les pays européens avec des tarifs de 20 %. Le vice-président américain J.D. Vance a déclaré que Donald Trump « adore » le Royaume-Uni et qu’il « aime la reine et admire le roi ». Rien que ça…  

Les éléments affectifs ont toujours une portée que l’on sous-estime. Un ami journaliste chez Bloomberg, à Londres, me rappelait d’ailleurs que la mère de Trump est d’origine britannique. On sait à quel point ce type de détail peut compter.  

Mais la différence de traitement entre l’Europe et le Royaume-Uni est guidée par plusieurs ambitions. Premièrement, Trump a une perception négative (on peut presque parler de détestation) de l’Europe. Il cherche à ramener les Etats-Unis dans le giron de l’Etat-nation, et tout projet fédéral impliquant plusieurs pays, comme l’Union européenne, va à l’encontre de son idéologie. Par ailleurs, lors de la dernière élection présidentielle, plusieurs gouvernements européens se sont montrés ouvertement hostiles à sa candidature – l’Allemagne, en particulier, avait exprimé un soutien quasi explicite à Kamala Harris…  

Trump s’inscrit dans la continuité de la realpolitik américaine. Depuis les origines de l’Union européenne, les Etats-Unis cherchent à affaiblir l’Europe… sans pour autant la faire éclater. Cette position leur permet de garder la main sur le continent.  

Les méthodes varient dans leur degré d’intentionnalité : sur le plan financier, en entretenant une forte dépendance des banques européennes au dollar ; sur le plan économique, par le rachat de fleurons industriels comme Alstom ou Technip ; ou encore par le contrôle du marché énergétique via la vente de gaz de schiste américain.

Plus récemment, cette logique se manifeste dans l’imposition de tarifs douaniers élevés sur des produits stratégiques. Enfin, de manière plus diffuse, par des interventions militaires répétées – notamment au Moyen-Orient – qui ont provoqué des flux migratoires que l’Europe subit directement, engendrant tensions sociales, crispations politiques et pression sur les salaires. Et ce, alors même que l’administration américaine affirme qu’il n’est « dans l’intérêt de personne que l’Europe demeure un vassal sécuritaire permanent des Etats-Unis ». Quoi qu’il en soit, les Etats-Unis peuvent bien se targuer de ce qu’ils veulent, tant que l’Europe reste aussi faible…  

Par ailleurs, le déficit commercial des Etats-Unis avec le Royaume-Uni est moins important qu’avec l’Union européenne. Or, les conseillers spéciaux de Trump ont établi un principe de réciprocité des tarifs douaniers, proportionnels à l’ampleur du déficit enregistré avec chaque pays. Le Royaume-Uni, de son côté, a indiqué qu’il ne riposterait pas sur certains produits. Des responsables des deux pays ont entamé des négociations, d’abord centrées sur l’IA et la technologie, mais qui pourraient s’étendre à d’autres secteurs.  

Un rapprochement avec le gouvernement Starmer permet aux Etats-Unis de préserver l’ordre établi. Et avec le retour de Trump, le Brexit apparaît désormais comme un atout pour le Royaume-Uni. D’autant que l’économie britannique repose largement sur les services – en particulier les activités financières et le poids de la City – qui, eux, échappent aux droits de douane. Les Brexiters s’en félicitent et voient leur popularité renforcée. Bref, les deux pays semblent gagnants.  

Un éloignement de l’Union européenne n’est toutefois pas à l’ordre du jour pour le Royaume-Uni. L’Europe demeure son premier partenaire commercial, avec plus de la moitié des importations britanniques provenant de l’UE, tandis que le Royaume-Uni est le deuxième partenaire commercial de l’Union. Toutes choses égales par ailleurs, cette interdépendance explique pourquoi le gouvernement Starmer recherche un entre-deux, avec des accords pacifiés. Sa position ouvertement pro-ukrainienne – alignée sur celle de l’Europe – en est une illustration, alors même que Trump affiche, de son côté, un rapprochement avec la Russie.  

On ne peut pas être vainqueur sur tous les tableaux. Si le Royaume-Uni est épargné par les nouveaux tarifs douaniers, il n’échappe pas aux autres exigences américaines. La demande de Washington d’une hausse des dépenses militaires pour l’ensemble des pays membres de l’OTAN est mal perçue au Royaume-Uni. Certes, le pays dispose de capacités militaires de premier plan — puissance nucléaire, marine d’envergure, réseau de bases à l’échelle mondiale, siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU… — mais il ne peut pas se permettre de sortir de l’organisation atlantique.  

Par ailleurs, satisfaire les exigences de Trump en augmentant le budget militaire – à 2,5 % du PIB, comme proposé par Starmer –, sans même prendre en compte le soutien actuel à l’Ukraine, coûterait très cher au pays, alors que sa situation économique reste fragile : une dette publique équivalente à 100 % du PIB, un déficit supérieur à 4 %, une fiscalité à un niveau record, des services publics en déclin, des revenus qui stagnent, une pénurie de logements… Le tout dans un contexte où le gouvernement vient d’annoncer une hausse d’impôts de 40 milliards de livres.  

Le Royaume-Uni va donc chercher à maintenir un équilibre entre le fait d’avancer avec l’administration Trump, sans froisser ses relations avec l’Union européenne. Malgré ses fragilités, le pays gardera comme seule ligne directrice la primauté de ses intérêts, élément dont seul un pays souverainement dirigé peut désormais se prévaloir.

De l’autre côté de la Manche, en Europe, le tableau s’assombrit. Le rapprochement entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis ne peut lui être que défavorable. Mais surtout, la lente démondialisation en cours ne peut profiter à une région fondée sur l’extension permanente de ses frontières…

Certes, la guerre commerciale menée par les Etats-Unis est aujourd’hui ralentie. Mais cela ne change rien. Dans un monde où la paix ne peut être garantie par un coût de l’argent sans cesse réduit, l’Europe n’a pas les moyens de rivaliser dans le duel entre puissances. L’attractivité globale du Vieux Continent s’affaiblit progressivement sous le poids de ses incohérences. Les marges de manœuvre financières se réduisent et les capitaux fuient, comme ses talents. Le vide laissé par l’impuissance économique se remplit donc d’un autoritarisme devenu nouvelle réalité.

Les ménages européens, en particulier les Français, le subissent sur tous les plans : économique, par un alourdissement de la fiscalité et des mesures coercitives en matière de dépense et d’épargne ; social, par une précarisation croissante du niveau de vie ; politique, enfin, par une bureaucratie et une technocratie de plus en plus envahissantes, ainsi qu’une restriction des libertés individuelles sous couvert d’urgence permanente…

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