Baloutchistan: un combat contre le silence

Le président du Mouvement National Baloutche poursuit sans relâche son tour d’Europe pour dénoncer les crimes perpétrés par l’État pakistanais

Baloutchistan: un combat contre le silence
Feb 4, 2025
Par 
Adèle Burdin

Le président du Mouvement National Baloutche poursuit sans relâche son tour d’Europe pour dénoncer les crimes perpétrés par l’État pakistanais contre le peuple baloutche. Lors de la 6ᵉ Conférence internationale sur le Baloutchistan à Genève, il a rappelé aux démocraties occidentales leurs contradictions entre principes et intérêts.

En mars 2025, Genève s’est faite le théâtre d’une nouvelle étape dans le long combat du peuple baloutche. À la tête de cette mobilisation : le Dr Naseem Baloch, président du Mouvement National Baloutche (BNM), militant infatigable, à la fois porte-voix, témoin et survivant d’un drame qui n’en finit plus de se répéter dans l’ombre. Son passage dans la cité internationale n’était pas anodin : il s’inscrivait dans une campagne diplomatique de longue haleine, un véritable marathon à travers l’Europe pour briser le silence entourant la situation au Baloutchistan.

 

Depuis des années, cet homme au calme déterminé parcourt les forums, conférences et parlements, portant la voix d’un peuple dont on cherche à effacer jusqu’à la mémoire. À Genève, il a pris la parole lors de la 6ᵉ Conférence internationale sur le Baloutchistan, organisée par le BNM. Il a également conduit une manifestation symbolique au monument de la Chaise Cassée — emblème des luttes pour la paix et les droits humains — avant de se rendre devant le siège des Nations Unies pour interpeller la communauté internationale.  

« Notre terre saigne », a-t-il lancé d’une voix posée, mais ferme. « La politique du *kill and dump* a transformé notre patrie en un cimetière. Des milliers de nos frères, sœurs, enfants ont été enlevés, torturés, puis abandonnés sans vie. Ceux qui restent vivent dans l’attente interminable d’un retour, ou d’un corps. »  

Les témoignages qu’il apporte sont glaçants, étayés par des rapports d’ONG internationales et des récits de survivants. Médecins, journalistes, étudiants, militants : nul n’est à l’abri. Le pouvoir pakistanais applique, selon lui, une stratégie de terreur systémique visant à anéantir toute forme de résistance.  

Mais au-delà du constat, le Dr Baloch a mis le doigt sur une hypocrisie flagrante : celle de l’Occident. Il dénonce le double discours des démocraties européennes, qui, d’un côté, se posent en défenseurs universels des droits humains, et de l’autre, entretiennent des relations économiques et stratégiques étroites avec un régime qui les viole sans retenue.  

« Comment pouvez-vous prêcher les droits humains tout en soutenant un État qui les piétine ? », interroge-t-il. « Le silence n’est pas de la neutralité. C’est de la complicité. »  

L’Union européenne, bien qu’alertée à maintes reprises, continue de faire affaire avec Islamabad, sans conditionnalité. Les contrats d’armement, les accords de coopération, les échanges commerciaux se poursuivent dans une forme d’aveuglement volontaire. Le Dr Baloch appelle les capitales européennes à mettre enfin en accord leurs discours avec leurs actes : « Nous ne vous demandons pas la charité. Nous vous demandons simplement d’être cohérents avec vos propres valeurs. »

Cette contradiction éclate d’autant plus aux yeux de l’opinion lorsque les violences s’intensifient. Quelques jours seulement avant la conférence, une attaque sur le Jaffar Express, train reliant Quetta à Peshawar, a provoqué une onde de choc. L’Armée de Libération du Baloutchistan (BLA), un groupe séparatiste armé, a revendiqué l’action. Les autorités ont riposté par une opération militaire de grande ampleur. Mais, comme souvent, aucune vérification indépendante n’a pu être menée : la région est fermée aux médias, les journalistes locaux bâillonnés, les récits officiels invérifiables.

Pour Dr Baloch, cette confiscation de l’information fait partie intégrante de la stratégie répressive. « Tout ce que vous lisez sur nous passe par le prisme de nos oppresseurs. Les caméras autorisées sont celles du pouvoir. Les nôtres sont brisées ou réduites au silence. »  

Il ne s’arrête pas aux seules disparitions ou exécutions extrajudiciaires. Il insiste aussi sur le sort des femmes baloutches, de plus en plus visées par la répression. Des figures telles que la docteure Mahrang Baloch, enlevée et emprisonnée sans procès, ou Sammi Deen Baloch, battue pour avoir protesté, incarnent la dignité d’un peuple que l’on voudrait faire disparaître. « Ces femmes sont nos piliers. Elles sont la mémoire, la force, l’espoir. Et c’est pour cela qu’on cherche à les briser. »

Face à lui, à Genève, un public attentif composé de parlementaires, de militants, d’intellectuels. Parmi eux : le député britannique John McDonnell, l’avocat des droits humains Reed Brody, la militante italienne Eleonora Mongelli, ainsi que des représentants sindhis et pashtouns. Tous sont venus rappeler que la cause baloutche n’est pas un cas isolé, mais une facette du combat mondial pour les peuples opprimés.

La conférence s’est achevée sur des mots sobres, mais puissants :  « Malgré les disparitions, malgré les massacres, malgré la douleur, nous sommes encore là. Nous ne nous tairons pas. Notre liberté n’est pas une aspiration, c’est un droit. »  

Le combat de Dr Naseem Baloch se poursuit. Il est de ceux qui, loin des caméras, loin des projecteurs, affrontent les puissances avec pour seule arme la vérité. Et s’il continue de frapper aux portes de l’Europe, ce n’est pas par espoir naïf, mais parce qu’il croit encore qu’un sursaut de conscience est possible. Reste à savoir si l’Europe, si prompte à parler de droits humains, aura enfin le courage de les défendre, même lorsque cela devient politiquement ou économiquement inconfortable.

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